Désireux d’accélérer le processus révolutionnaire, peu confiant en l’évolution du nouveau gouvernement, Lénine, rentré en Russie, fit pression sur le Comité central du Parti bolchevique dès la fin du mois de septembre pour que celui-ci organise une insurrection armée et prenne le pouvoir. Après avoir résisté, le Comité approuva la politique de Lénine le 10 octobre. L’organisation militaire du parti avait planifié l’insurrection de manière qu’elle coïncidât avec l’ouverture du IIe Congrès des soviets, qui serait ainsi mis devant le fait accompli.
Organisée et coordonnée par le Comité militaire révolutionnaire, sous la direction de Trotski, l’insurrection éclata dans la nuit du 24 au 25 octobre. Des ouvriers armés, des soldats et des marins prirent d’assaut le palais d’Hiver, siège du Gouvernement provisoire. Bien que la prise de pouvoir eût impliqué des milliers d’hommes et de femmes, de nouveau en proie aux difficultés d’approvisionnement et à la hausse des prix, le sang coula très peu.
Dans l’après-midi du 25 octobre, Trotski annonça la dissolution du Gouvernement provisoire. Plusieurs ministres furent arrêtés en fin de journée ; Kerenski s’échappa et partit en exil. Le 25 octobre, le IIe Congrès des soviets, dans lequel les bolcheviks étaient majoritaires (343 sur 675 délégués), approuva l’insurrection et décida d’assumer le pouvoir. Lénine fit sa première apparition le 26 octobre ; il fut accueilli par une immense ovation, et sa première déclaration donna le ton des futures délibérations du Congrès : « Nous allons maintenant procéder à la construction de l’ordre socialiste. »
Le Congrès des soviets créa une structure gouvernementale qui fonctionnait sous son contrôle. L’exécution des décisions du Congrès fut confiée au soviet des commissaires du peuple, qui était sous l’autorité du Congrès des soviets, et à son comité exécutif central. Chaque commissaire du peuple présidait un commissariat (commission) qui s’apparentait aux ministères des autres gouvernements. Lénine fut élu à la tête du Conseil des commissaires du peuple. Parmi les autres dirigeants bolcheviques élus à ce conseil, on retrouvait Trotski et Staline. Le Congrès des soviets fut ajourné après la formation du nouveau gouvernement. Le pouvoir s’attaqua alors aux problèmes cruciaux : la paix, la terre aux paysans, le droit des nationalités à l’autodétermination. Il adopta à l’unanimité un manifeste adressé « à tous les peuples en guerre et à leur gouvernement pour la négociation immédiate d’une paix juste et démocratique ». Le manifeste proposait un armistice immédiat pour une durée minimale de trois mois.
Les décisions concernant la question des terres furent prises sous forme de décrets : « Le droit à la propriété privée des terres est à jamais aboli ; le droit de propriété des propriétaires fonciers est annulé immédiatement, sans indemnités d’aucune sorte. » Toutes les terres, les avoirs fonciers des monastères et des églises devinrent la propriété de l’État et furent placés sous la protection de comités locaux et de soviets de paysans. Les avoirs fonciers des paysans pauvres et des hommes de troupe cosaques échappèrent à la confiscation. L’emploi d’ouvriers agricoles fut interdit, mais le droit de chaque citoyen à cultiver la terre par son propre travail fut confirmé. Le Congrès des soviets établit le principe selon lequel « l’utilisation de la terre doit être égalisée, c’est-à-dire que la terre doit être partagée entre les paysans selon les conditions locales et sur la base de standards de main-d’œuvre et de consommation ». Ces principes ayant déjà été mis en œuvre sur le terrain par les bolcheviques, les décrets ratifièrent plus un fait accompli qu’ils n’apportèrent de changements. Le Congrès nationalisa toutes les banques et confia le contrôle de la production aux ouvriers. L’industrie fut nationalisée graduellement.
Les décisions du Congrès des soviets sur la paix et la terre apportèrent un soutien populaire important au nouveau gouvernement et jouèrent un rôle décisif dans les victoires que remportèrent les bolcheviks dans les villes et les provinces. Le 3 novembre, le soviet des commissaires du peuple proclama le droit des peuples à l’autodétermination, ce qui incluait le risque de la séparation volontaire des nationalités rattachées par la force à l’Empire tsariste d’avec la Russie. Néanmoins, le Congrès fit bien comprendre qu’il espérait que les « masses laborieuses » des différentes nationalités décideraient de rester avec la Russie. Enfin, dès le 13 novembre, les bolcheviks demandèrent l’armistice qui aboutit, le 7 décembre, à l’ouverture de négociations de paix à Brest-Litovsk. L’Assemblée constituante librement élue qui se réunit à Petrograd le 5 janvier 1918 et dans laquelle les bolcheviks étaient minoritaires fut dissoute par la force par le nouveau gouvernement, dans l’indifférence populaire. Le « communisme de guerre » se fondait donc sur le refus d’une autre légitimité que celle des soviets © "Russie" Emmanuel Buchot Sources utilisées Encarta et lemonde.
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